La transformation du bâtiment en ambulance

(actualisé le ) par Cabinet d’histoire-géographie

La déclaration allemande du 3 août 1914 précipite la France dans la guerre et change la destination de l’édifice. Le même jour, l’Hôpital américain de Paris — un petit hôpital privé établi à Neuilly depuis 1909 et destiné à soigner les seuls citoyens états-uniens — indique au chirurgien général Février, directeur du service de santé des armées, qu’il est prêt à recevoir des blessés de guerre. Prise dans la nuit du 2 au 3, par la colonie américaine de Paris, la décision reçoit l’assentiment de l’ambassadeur des États-Unis en France, Myron T. Herrick, nommé par le président Taft en février 1912. On propose alors à l’Hôpital américain de Paris d’installer son ambulance dans les bâtiments presque achevés du lycée Pasteur. Le 4, l’ambassadeur Herrick transmet officiellement l’accord de l’institution au président du Conseil Viviani. Réquisitionné le 11, le bâtiment d’Umbdenstock est transformé en ambulance de guerre, c’est-à-dire en hôpital temporaire, par la colonie américaine de Paris, dans la seconde quinzaine d’août. Le 29, l’abbé Félix Klein, professeur honoraire à l’Institut catholique de Paris, est chargé de l’aumônerie. Il rejoint le boulevard d’Inkermann dans l’après-midi du 3 septembre et commence la rédaction de ses « notes d’ambulance ». À la date du 5, dans l’attente des premiers blessés, il consigne une description de l’hôpital et du bâtiment qui l’abrite : « C’est un immense et splendide édifice qui n’a pas coûté à bâtir moins de cinq millions. Encore complètement vide, et en partie même inachevé, il ne s’en prête que mieux à la transformation. Avec ses grandes salles de cours, ses laboratoires, ses vastes sous-sols, ses baies largement ouvertes, ses plafonds élevés, ses appareils d’électricité et de chauffage central, on le dirait destiné aux victimes de la guerre. Et il n’est pas jusqu’à ses devises, écrites depuis un an, qui ne semblent choisies pour l’objet actuel ». Le 6 septembre, à six heures du soir, l’ambulance reçoit ses premiers blessés. C’est donc hors de ses murs que le lycée Pasteur accomplit sa première rentrée des classes. Le proviseur établit son cabinet dans un rez-de-chaussée de la rue Angélique-Vérien et les cours se dispersent dans des immeubles du quartier pendant toute la durée de la guerre. Les professeurs mobilisés sont remplacés par des retraités et des femmes. L’établissement accueille 600 élèves à la rentrée de 1914, 800 à la rentrée de 1915.

Dans l’après-midi du 7 octobre 1914, l’Ambulance de l’Hôpital américain reçoit la visite du président de la République. Parti en automobile de Bordeaux, où le gouvernement s’est replié le 2 septembre, Poincaré se rend d’abord sur le front, puis rejoint Paris et gagne Neuilly. À son arrivée, rapporte l’abbé Félix Klein, il est « salué au dehors par la foule, d’une ovation discrète, comme il convient à des temps si graves », avant d’être accueilli par l’ambassadeur Herrick, sur le perron de l’aile Perronet. Il parcourt ensuite les salles de l’ambulance, « rapidement sans doute, mais en paraissant se rendre compte de tout, et avec les marques d’un vif intérêt ». Financée par des dons collectés outre-Atlantique et servie par un personnel de santé volontaire, l’ambulance organise un service automobile qui assure l’acheminement des blessés depuis le front ou les gares de débarquement. Le New York Times du 22 novembre fait le récit de ses premières semaines, sur une pleine page, dans un article intitulé « Don overalls to found military hospital ». Le World’s Work de décembre 1916 publie une photo de l’agence Meurisse, datée de 1914, sous le titre « The Base Hospital at Neuilly » ; on y aperçoit des Ford T, transformées en voitures d’ambulance, face au boulevard d’Inkermann, dans la cour extérieure du lycée. En 1915, un différend oppose la municipalité, la direction de l’ambulance et le gouvernement, sur l’emplacement respectif des trois drapeaux sur l’édifice, celui de la République, la bannière étoilée, celui de la Croix-Rouge. On finit par s’accorder sur la juste place des trois emblèmes. En 1917, l’entrée en guerre des États-Unis entraîne la clôture de l’ambulance. Le 22 juillet, au cours d’une cérémonie présidée par le sous-secrétaire d’État à la Guerre chargé du service de santé Justin Godart, l’Ambulance de l’Hôpital américain passe sous la direction du gouvernement états-unien et devient l’Hôpital militaire américain no 1. Après la signature de l’armistice, en janvier et février 1919, la presse parisienne annonce la fermeture très prochaine de l’hôpital et le retour de l’édifice à sa destination primitive. L’évacuation complète du bâtiment s’achève en avril.

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