L’inauguration du lycée dans ses murs

(actualisé le ) par Cabinet d’histoire-géographie

Le bâtiment d’Umbdenstock retrouve sa vocation première au lendemain de la guerre, après des travaux qui restent inachevés au moment de la rentrée des classes, le 1er octobre 1919. Il faut à la fois réhabiliter un bâtiment éprouvé par quatre ans et demi de guerre et lui apporter des aménagements restés inachevés lors de sa réquisition. Dans une lettre au maire du 26 février 1919, Gustave Umbdenstock explique que « toutes les pierres de soubassement des façades en bordure côté boulevard d’Inkermann sont imprégnées d’huile et d’essence provenant des échappements de cars ou voitures automobiles qui stationnaient contre des bâtiments, que les taches se manifestent sur une hauteur de plus d’un mètre et que le travail de réfection ou de ravalement entraînera une dépense que seul un spécialiste peut chiffrer au cours actuel des travaux ». Dans un courrier du 23 novembre, il proteste contre l’intrusion d’élèves ou de professeurs dans les parties du bâtiment qui restent en travaux. Pour répondre aux nécessités de l’enseignement, le lycée rachète des tables et des chaises à des établissements parisiens. Des laboratoires de physique et chimie et de sciences naturelles sont aménagés avec le concours des professeurs.

En 1921, un différend oppose la municipalité et le ministère sur la mixité des sexes dans l’enceinte de l’établissement. Cinq ans auparavant, des cours secondaires de jeunes filles, fondés par des professeurs des lycées Pasteur, Janson-de-Sailly et Carnot, s’étaient établis au no 42 de la rue Pauline-Borghèse, or le local qu’ils occupent est désormais insuffisant. Après une visite sur place, en accord avec le proviseur Fleureau et Mlle Clauzel, directrice des cours, le recteur de l’académie de Paris, Paul Appell, se propose de leur concéder quatre salles au rez-de-chaussée de l’aile Borghèse, avec une entrée particulière, des horaires différents et un strict cloisonnement. Il sollicite l’agrément du maire. Dans sa délibération du 31 octobre, le conseil municipal rejette la demande qui lui est faite, non pas qu’il soit hostile à l’enseignement féminin, se justifie-t-il, mais parce qu’il ne tient pas « pour désirable la présence d’enfants des deux sexes dans un même établissement ». À la rentrée de 1924, le ministre décide de passer outre, ce qui soulève les protestations du maire. Le lycée finit par reprendre ses salles, faute de place suffisante. Les cours secondaires s’établissent alors dans un hôtel du boulevard d’Inkermann et obtiennent une subvention du conseil général de la Seine.

Comme le pays tout entier, le lycée reste frappé par le deuil et entretient le souvenir de la guerre. Une plaque de marbre, apposée dans le parloir, en l’honneur des professeurs et anciens élèves morts pour la France est inaugurée le 8 juillet 1922, par le recteur Appell et le proviseur Fleureau. Sur la liste funèbre figure le nom d’Henry Lange. Élève au lycée Pasteur, il interrompt sa scolarité en 1915, le jour de ses dix-sept ans, pour s’engager dans l’armée. D’origine juive alsacienne, appartenant à une famille naturalisée française un siècle auparavant, dans une France qui reste marquée par l’affaire Dreyfus, il demande à passer de l’artillerie à l’infanterie, dans un courrier à son général du 6 septembre 1917, parce qu’elle est plus exposée. Il entend de la sorte accomplir un « double devoir », « celui de Français d’abord ; celui de nouveau Français ensuite », afin que personne ne puisse jamais lui contester « le titre de Français, de vrai et de bon Français ». Sa dernière lettre à « Hélène » date du 9 septembre 1918, alors que « se dessine, écrit-il, l’aurore de la victoire ». Il tombe le lendemain, dans l’Aisne, à l’âge de vingt ans.

L’inauguration du lycée se tient le 18 octobre 1923. Présidée par le ministre de l’Instruction publique, Léon Bérard, elle clôt les célébrations du centenaire de Louis Pasteur, né le 27 décembre 1822. La presse parisienne rapporte l’événement dans ses éditions du lendemain et rappelle l’histoire de l’édifice. Sous le titre « Le plus beau lycée de France », L’Homme libre présente le lycée Pasteur comme un lycée-modèle et explique que ses plans sont tout entier calculés « pour résoudre les délicats problèmes de l’hygiène et du confort scolaires ». La plupart des journaux reprennent de larges extraits du discours de Léon Bérard, à commencer par sa définition très remarquée de l’enseignement secondaire français : « C’est l’originalité et l’incomparable vertu de l’enseignement secondaire français, déclare-t-il, que tout s’y passe — sous tous les régimes scolaires et avec tous les programmes — comme si tous ceux qui le reçoivent étaient appelés à discuter les grands problèmes de l’esprit, à renouveler la beauté ou le savoir, à traiter des plus hauts intérêts des nations. À quelques-uns, ce plan ou cet idéal peut paraître chimérique ou excessif, en opposition anachronique avec la vie affairée que nous menons. Il n’en est pas moins sûr que le jour où nous y renoncerions, l’enseignement secondaire aurait cessé d’exister pour devenir quelque chose à quoi il ne serait peut-être pas facile de trouver tout de suite un nom dans la langue des institutions pédagogiques. » Prononcé dans la salle des fêtes du lycée, son discours reçoit de vifs applaudissements.

Un mois plus tard, le 18 novembre, Raymond Poincaré, redevenu président du Conseil, inaugure le monument aux morts de Neuilly, rue Berteaux-Dumas. Dans son discours, il rend hommage aux 1 741 « enfants de Neuilly » morts pour la France et d’abord à son ancien député-maire, Édouard Nortier, tombé en 1914, puis salue l’architecte du monument — et celui du lycée — Gustave Umbdenstock : « Aujourd’hui la patrie n’est plus en danger, elle a remporté la victoire et balayé l’invasion, et voici qu’en signe de paix et de renaissance, Neuilly a enfin pu rendre à sa destination ce lycée Pasteur dont l’éminent auteur du monument que nous inaugurons, M. Umbdenstock, avait posé la première pierre il y a onze ans et auquel la guerre avait si longtemps maintenu une affectation provisoire. » Vivement acclamé, le président du Conseil s’incline pour terminer devant l’obélisque de pierre.

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