Le premier 31 décembre de l’ambulance américaine (1914)

(actualisé le ) par Cabinet d’histoire-géographie

Commencée le 6 juillet 1912, la construction du lycée Pasteur s’achève à l’été 1914 pour une ouverture à la rentrée des classes (2 octobre), mais la déclaration de guerre (3 août) change la destination de l’édifice. Réquisitionné le 11 et mis à la disposition de la colonie américaine de Paris, le lycée devient une ambulance, c’est-à-dire un hôpital de campagne. Dans ses livraisons des 15 octobre 1914, 1er novembre 1914 et 1er février 1915, la Revue des deux mondes publie les notes de l’abbé Félix Klein (1862-1953), professeur honoraire à l’Institut catholique de Paris et aumônier de l’ambulance américaine. Son récit commence le 3 septembre 1914 et s’achève le 29 décembre. Repris en volume, dans une édition augmentée, sous le titre La Guerre vue d’une ambulance (Paris, Armand Colin), il fait l’objet, la même année 1915, d’une traduction anglaise intitulée Diary of a French Army Chaplain (Londres, Andrew Melrose).

Les premiers jours de l’ambulance dans la Revue des deux mondes du 15 octobre 1914

Chargé de l’aumônerie de l’ambulance américaine depuis le 29 août 1914, l’auteur rejoint le lycée Pasteur dans l’après-midi du 3 septembre et commence la rédaction de ses « notes d’ambulance ». À la date du 5 septembre, dans l’attente des premiers blessés, il consigne une description de l’hôpital et du bâtiment qui l’abrite.

Neuilly, 5 septembre

Les blessés n’arrivent pas. Et cependant nous sommes prêts. L’ambulance est installée au lycée Pasteur, qui devait recevoir au mois d’octobre ses premiers élèves. C’est un immense et splendide édifice qui n’a pas coûté à bâtir moins de cinq millions. Encore complètement vide, et en partie même inachevé, il ne s’en prête que mieux à la transformation. Avec ses grandes salles de cours, ses laboratoires, ses vastes sous-sols, ses baies largement ouvertes, ses plafonds élevés, ses appareils d’électricité et de chauffage central, on le dirait destiné aux victimes de la guerre. Et il n’est pas jusqu’à ses devises, écrites depuis un an, qui ne semblent choisies pour l’objet actuel PATRIE, sur le cartouche de la grande cour ; sur une face de l’horloge L’HEURE FRANÇAISE SONNERA TOUJOURS ; sur l’autre QUAND L’HEURE SONNE, HOMME, SOIS DEBOUT.

Le texte dans la bibliothèque numérique Gallica-BNF


Les derniers jours de l’année 1914 dans la Revue des deux mondes du 1er février 1915

Son journal s’achève dans le deuil, le 29 décembre 1914, et dans l’espérance d’une paix retrouvée : « Puisse l’année qui commencera demain produire au jour sans trop de retard les dons précieux que nous en espérons ! » Le même texte, dans les deux publications en volume de l’année 1915, est daté du 31 décembre.

29 décembre

On a conduit au cimetière trois de nos pauvres soldats et il y en a trois sur le point de mourir. Nous étions moins éprouvés depuis quelques semaines. À l’année 1914 près de nous quitter il fallait un cortège digne d’elle, un cortège de mourants et de morts. Elle aura même eu le temps qui lui convient, d’ouragan et de pluie glacée ; il n’y manque que le sang. Mais non, le sang n’y manque pas. Il se mêle à la boue dans les plaines de Flandre et de Pologne, à la neige sur les pentes des Vosges, des Karpathes et des monts Caucase on en voit les traces rouges dans les champs, sur la place des villages en ruine, dans les rues des villes bombardées, dans l’eau des fleuves qu’on se dispute, sur les épaves que rejette la mer. Ô l’effroyable année !

[…]

Puisse l’année qui commencera demain produire au jour sans trop de retard les dons précieux que nous en espérons ! Puisse-t-elle bientôt nous apporter la paix, non une paix lourde et menaçante, comme celle qui depuis longtemps recelait en elle-même cette guerre, mais une paix sincère et durable, garantie fortement par l’entente des meilleures nations et des plus nombreuses, une paix où l’humanité, guérie de ses erreurs par une dure expérience, n’ait plus d’autre souci que de remédier aux maux soufferts et de respecter les droits de chacun !

Le texte dans la bibliothèque numérique Gallica-BNF

La Revue des deux mondes publie sur son site le récit dans son entier :

Première partie (3-17 septembre 1914)

Deuxième partie (18 septembre-7 octobre 1914)

Troisième partie (27 octobre-29 décembre 1914)

Le CDI du lycée conserve deux exemplaires de La Guerre vue d’une ambulance dans son édition de 1915 :

La Guerre vue d’une ambulance

On retrouve la traduction anglaise de La Guerre vue d’une ambulance sur le site Internet Archive :

Diary of a French Army Chaplain

May the year that begins to-morrow bring forth without too much delay the precious gifts we hope for !
31st December 1914.